Tanzanie - Serengeti - Jour 4
Dernier réveil au cœur de la savane. Le jour s’étire doucement, les premières lueurs s’accrochent aux toiles du campement qui s’éveille lentement. Assis sur la terrasse, un café brûlant entre les mains, j’observe le soleil qui monte — ce soleil africain qui réchauffe autant l’âme que la peau.
Nous quittons le Nyota, ce camp suspendu entre confort et immensité, avec un pincement au cœur. J’y laisserai un morceau de moi, à ceux qui viendront goûter cette contrée fabuleuse.
C’est une journée de transition. Nous descendons vers le sud pour aller franchir la porte australe du parc, avant de prendre la piste de l’ouest en direction du Ngorongoro. Une demi-journée encore offerte à la savane, comme un dernier cadeau du Serengeti. Les moteurs ronronnent, les jumelles attendent, et nos yeux fouillent l’horizon — à la recherche de ce que le hasard voudra bien encore nous offrir.
Le vœu est exaucé presque aussitôt. À un embranchement poussiéreux, un troupeau de babouins surgit, remuant comme une foule pressée. Pris de court, je n’ai pas le temps de dégainer mon appareil. Je capture à la hâte leurs silhouettes de dos, fuyantes, déjà lointaines. Et pourtant, en regardant la photo, je me surprends à l’aimer : elle dit la fuite, l’instant, l’imperfection même du voyageur qui regarde plus qu’il ne possède.
Un peu plus loin, une hyène traverse la piste, trottinant nonchalamment à quelques mètres du 4x4. Les oiseaux s’invitent eux aussi à la fête : un splendide outarde kori, noble et massif, s’exhibe dans la lumière crue du matin.
Mais le vrai miracle du jour se trouve quelques kilomètres plus loin : au détour d’un virage, un troupeau de lionnes avec leurs petits. Neuf lionceaux, quatre mères, certaines allaitant encore. La scène est d’une douceur féroce. Le silence s’impose. L’objectif tremble. On voudrait arrêter le temps, prolonger ce privilège d’assister à la vie sauvage dans sa tendresse la plus pure. Nous restons là de longues minutes, muets, suspendus. Puis, à regret, nous devons repartir. La frontière du parc approche et, au-delà de midi, les minutes deviennent des amendes.
À moins d’un kilomètre de la sortie, le Serengeti nous offre son salut : un troupeau d’éléphants traverse la piste, majestueux, solennel. Une ultime parade, comme un adieu bienveillant. Quatre jours d’émerveillement se referment dans la poussière dorée soulevée par leurs pas.
La piste du Ngorongoro se fait plus rude, cabossée, tordue par le temps et le va et vient incessant des 4x4. Nous quittons une zone de conservation pour en rejoindre une autre. Les animaux se font plus rares, mais leur présence flotte dans l’air. Les gazelles filent, légères, comme des éclats de vent.
Après la traversée d’une longue étendue désertique, notre 4x4 grimpe vers une colline. Peu à peu, la faune s’efface et les Masaï apparaissent — silhouettes rouges et bleues sur la terre ocre. Ils gardent leurs troupeaux, fidèles à une sagesse que le monde a presque oubliée. Ici, la vie s’écoule au rythme du soleil et du bétail, indifférente à la modernité.
Puis soudain, la piste s’ouvre, et le cratère du Ngorongoro s’étale devant nous. Une mer verte lovée dans un cirque de montagnes, an son sein le grand lac au reflet azur bordée d’arbre et d’étendues d’herbes dorées. Les mots me manquent. Les photos, cette fois, trahissent la vérité. Rien ne peut enfermer pareille splendeur dans un cadre, fût-il parfait.
Nous longeons la crête, enveloppés de végétation luxuriante, jusqu’au Mélia, lodge suspendu au flanc intérieur du volcan. Le lieu tient du rêve : un écrin de bois et de pierre, ouvert sur l’infini. J’ai visité beaucoup d’hôtels dans ma vie — mais ici, c’est autre chose, une sensation unique, la beauté nue, le sentiment d’avoir frôlé le paradis… ou quelque chose qui s’en approche dangereusement.