Tanzanie - Serengeti - Jour 3

Levés avant l’aube. Le camp s’éveille dans un silence à peine troublé par les braises mourantes du feu de la veille. À cinq heures, un véhicule nous emporte dans la nuit vers le terrain de décollage. La savane dort encore, mais déjà le cœur bat plus vite : l’attente d’une ascension, la promesse d’un regard neuf jeté sur l’immensité.

Sur place, les hommes s’affairent autour des ballons. On nous accueille d’un café brûlant, ou d’un thé au gingembre qui réchauffe l’âme. Dans le noir, des langues de feu s’élancent, déchirant l’ombre et révélant fugitivement les visages. La toile gigantesque s’emplit peu à peu d’air chaud ; elle gonfle comme une poitrine qui inspire, prête à respirer le ciel.

Nous sommes quatre équipages, seize passagers et un pilote par ballon. Le briefing est bref : règles de sécurité, déroulé du vol. La nacelle gît encore couchée au sol. Nous y prenons place, mi-assis mi-allongés, comme des cosmonautes en partance pour l’espace. Puis soudain, l’énorme ventre de toile se dresse. La nacelle se redresse, et dans un froissement, la montgolfière se détache du sol. Nous flottons.

La savane s’étire sous nos yeux émerveillés. Le jour se lève, et avec lui se déploie le monde. D’abord, un silence souverain. Puis, en survolant une mare, la vie s’éveille : des hippopotames s’y prélassent. Plus loin, les silhouettes élancées des girafes, des troupeaux de gnous, et surtout les éléphants, majestueux et inquiets. Certains agitent leur trompe vers nous, nous lancent leurs barrissements comme pour rappeler que nous ne sommes ici que des visiteurs de passage.

Le temps s’efface. Une heure déjà, et nous touchons terre au milieu d’une plaine rase où les véhicules nous attendent. On nous offre un verre de « champagne tanzanien » — que nous troquons bien volontiers contre un jus d’orange, plus clément à dix heures du matin. Puis, dans cette immensité, un petit déjeuner dressé sur de longues tables nous attend, comme un festin d’explorateurs.

Vers midi, nous retrouvons notre guide. Le safari reprend, cette fois au nord du Serengeti. À peine quelques kilomètres, et déjà une troupe de mangoustes traverse la piste, effilées comme des flèches brunes. Non loin, une famille d’éléphants avance en procession. Mais la rumeur court : des guépards ont été repérés. Nous pressons le pas.

Là, dans les hautes herbes, une mère et son jeune. Ils festoient encore sur une proie à demi dissimulée. Grâce au télé-convertisseur, j’arrache quelques images saisissantes : les yeux jaunes de la femelle plantés dans les miens, sa gueule tachée de sang, éclat brutal d’un festin de prédateurs. Chaque cliché est une morsure du réel.

Plus tard, la piste nous mène vers une aire de pique-nique. Pêle-mêle, Gazelles, zèbres, babouins et singes grivets nous accompagnent en chemin. L’un d’eux, espiègle, profite de notre inattention pour tenter de nous dérober une pomme. La jungle a de l’humour.

L’après-midi, nous roulons vers les zones septentrionales, moins fréquentées, plus sauvages. Une hyène somnole au creux d’un fossé.

Quelques buffles massifs nous observent non loin de là…

… des autruches picorent l’herbe….

… des gnous traversent en désordre …

… des girafes nous toisent du regards. La vie, partout, sans relâche.

Avant de retourner aux camps, nous croisons deux mâles guépards qui paressent dans l’herbe. Cette fois, ils se laissent approcher. Plusieurs longues minutes durant, ils demeurent immobiles, statues félines à l’ombre d’un acacia. J’en profite pour capter leurs portraits serrés, chaque détail de leur fourrure, chaque reflet doré dans leurs prunelles.

Le jour décline. L’ombre s’étend, le ciel se dore. À cent mètres du campement, une lionne s’est hissée dans un arbre. Sa silhouette se découpe dans la lumière de fin d’après-midi, comme une icône d’Afrique. Inquiétante, mais magnifique. Photographier la reine des fauves, suspendue entre ciel et terre, si proche de notre tente, conclut cette journée démesurée.

La savane nous rappelle qu’ici, chaque instant peut devenir une aventure. Et qu’à celui qui sait regarder, elle offre toujours un miracle à capturer.

 
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