Venise
Quatre jours à Venise. Quatre jours dans un rêve suspendu.
On dit tout de cette ville qui surgit des eaux comme un mirage ancien : ses palais décrépis aux secrets murmurés, ses canaux silencieux comme des veines d’encre, ses campaniles sentinelles du temps, ses jardins en retrait où le vent parle bas. On a tout dit, mille fois, de cette cité irréelle qui flotte entre ciel et lagune. Et pourtant… elle vous surprend, vous enveloppe, vous ensorcelle.
Quatre jours — c’est peu. C’est un souffle. Un soupir volé à l’éternité. J’ai arpenté les ruelles étroites, le cœur battant, guidé par l’instinct plus que par une carte. Je n’ai pas eu le temps de m’égarer jusqu’à Burano ou Murano, ces sœurs colorées de la Sérénissime. Mais j’ai foulé la Giudecca, trempé mes pas dans le sable du Lido, glissé dans l’obscurité jusqu’à Mazzorbo, là où le silence a des accents de sortilège.
Un conseil, glané dans les murmures des pierres : venez tôt. Très tôt. Avant que le soleil ne s’élève. Avant que les foules ne dissipent la magie. À l’heure où Venise dort encore, j’ai manqué de quelques minutes le lever du jour — mais j’ai saisi l’instant bleu, celui qui n’existe qu’entre deux battements d’ailes. La place Saint-Marc, vide, semblait me scruter. Les statues surplombant les colonnades s’animaient à travers le voile bleuté du matin, comme si elles complotaient en silence.
Plus tard, la ville s’éveille, déborde, s’emballe. Alors il faut se perdre à nouveau, s’éclipser dans des ruelles sans nom, dans des recoins oubliés du monde. Pousser une porte, découvrir une boutique minuscule, une arrière-cour envahie de glycine, un escalier qui ne mène nulle part. Le vrai trésor est là, dans l’égarement.
Mais il y a une entrée en scène que je ne peux taire : celle en taxi-bateau. Oui, le prix est une folie — une offrande à la ville — mais quelle majesté ! Glisser sur l’eau, frôler les façades endormies, et accoster au pied de son hôtel comme si l’on entrait dans un roman gothique. Je ne suis pas près d’oublier cette arrivée qui ressemblait à une invocation.
Merci à l’élue de mon cœur qui m’a offert cette échappée dans le rêve. Je suis venu sans attente, et je repars habité.
Venise ne se visite pas. Elle vous choisit.